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Intervention lors de la table ronde sur la Relance Verte

A l’heure où les États européens débattent des solutions à privilégier pour relancer leurs économies, l’Union européenne accélère sa transition vers la neutralité carbone en lançant la « Renovation Wave ». Cette stratégie européenne vise à doubler le taux de rénovation énergétique des bâtiments, relancer la croissance et réduire la précarité énergétique. Atteindre ces objectifs nécessitera une mobilisation collective à plusieurs échelles. 

Quelle est la contribution de ces acteurs aux objectifs européens ? Comment les politiques européennes peuvent-elles accompagner la transition énergétique des territoires ? 

François Alfonsi, membre d’ITRE, revenait le 5 mars 2021 à l’occasion d’une table ronde sur les régions et leurs agences de l’énergie, partenaires privilégiés pour une Relance Verte. 

Interrogé par Philippe De Metrioux, chargé de mission à la FEDARENE, qui depuis 1990 représente les régions, les agences de l’énergie et les îles dans les débats européens sur les politiques d’énergies durables. A cette occasion, François Alfonsi insistait sur le besoin d’accompagnement, l’intégration essentielle des services techniques, de promouvoir les rénovations globales et sur la précarité énergique. 

 

« Monsieur Alfonsi, pourriez-vous partager avec nous votre prospective sur la contribution des régions à la vague de rénovation et à une relance verte ? 

–       Bonjour à tous, pour être objectif et pour rentrer dans le détail de cette programmation sur la rénovation, deux choses introductives : 

La première est que derrière les objectifs de 55% ou de 45% se jouent les objectifs sur le réchauffement climatique. Celui de 1,5 degré d’augmentation de la température à la fin du siècle, qui a été souhaité par tous, par des objectifs extrêmement ambitieux en termes de limitation des gaz à effet de serre et ce plan sur la rénovation thermique est fondamental : d’abord en tant que vecteur de cette politique de réduction de gaz à effet de serre mais aussi parce qu’en Europe nous jouons le devoir qu’ils ont d’exemplarité. C’est-à-dire que si l’Europe ne mobilise pas les moyens qui lui permettent d’être aux 55% ou aux 60%, puisque votre groupe estime que pour atteindre l’objectif de 1,5 degré il faudra plutôt faire 60% comme objectif. Si l’Europe n’atteint pas ses propres objectifs, on peut penser que le reste du monde renoncera aux siens. Nous avons une responsabilité en ce domaine qui est très importante et l’isolation des logements est une politique essentielle pour ça et c’est la chose sur laquelle je souhaitais insister en introduction. 

Deuxième point, sur la méthode, je vois que la commission prend à peu près les bonnes directions. Je voudrais insister car c’est une question fondamentale. Chaque logement ancien est un gisement d’économie. S’il est de 10 par exemple, il se décline ensuite par des actions particulières qui portent sur l’isolation des fenêtres, des toitures, ou des planchers etc. Les instruments de production d’eau chaude et chaleur pour le chauffage de ce logement, donc il y a un gisement global. Si on ne passe pas par une rénovation globale, c’est-à-dire si on ne prononce pas ce gisement dans sa globalité pour le traiter en une opération dans sa totalité, et si les gens sont incités à aller vers des rénovations partielles sur telle ou telle thématique, on sait que le reste du gisement sera perdu. C’est-à-dire que la personne qui a changé ses fenêtres, elle ne reviendra à investir sur son logement pour améliorer ses performances thermiques que plus tard puisqu’entre temps il lui aura fallu agrémenter son jardin, rénover sa cuisine etc. Il faut donc pousser sur les stratégies de rénovations globales si on veut être capables d’attaquer l’intégralité du gisement énergétique que chaque logement ancien représente et pour cela il faut beaucoup d’accompagnement. La rénovation globale c’est très exigeant et c’est difficile pour les particuliers. C’est difficile car cela demande d’abord que le particulier évacue son logement pendant la période des travaux. Ça n’a l’air de rien mais c’est quand même beaucoup car un logement c’est une famille, des enfants qui vont à l’école qu’on ne peut pas éloigner trop, etc. Donc il y a plein de contraintes qui pèsent sur les gens et donc s’ils se lancent vers une rénovation globale où ils vont refaire et leur isolation et leur système de chauffage et de production d’eau chaude, alors c’est pour eux un effort qu’il faut accompagner. 

D’autre part, l’autre difficulté est que la rénovation globale porte sur la rénovation de plusieurs corps de métiers. A la fois le plombier, le plaquiste, le carreleur…Cette coordination demande beaucoup de technicité. Les ménages souvent ne sont pas à même de bien maîtriser et de bien accompagner cette technicité. Si l’on veut aller vers de la rénovation globale il faut vraiment penser à ces deux problèmes : celui de la personne qui occupe le logement et qui veut mener cette rénovation et qui va devoir trouver une solution transitoire pour lui-même et sa famille ; et aussi la coordination des corps de métiers pour que les travaux aillent le plus vite possible pour atténuer la contrainte de devoir quitter son logement le temps des travaux, pour être efficaces et qu’on ait un vrai résultat en termes de performance énergétique. 

Il faut que ces choses-là soient quantifiées, qu’il y ait des frais de mutation qui soient considérés et intégrés dans le coup de la rénovation globale car cela peut représenter de l’ordre 20% des enjeux financiers dans les programmations de ce type de programmes. 

 

Deuxième chose, il faut réfléchir en termes d’agrégateurs, cela va dans le sens de ce que je dis : il faut réaliser qu’il y a un moment clef dans la rénovation globale qui est la mutation du logement. Lorsqu’une personne va acquérir un nouveau logement, avant d’y aménager, il faut qu’elle soit encouragée à mettre ce logement aux normes énergétiques les plus performantes. Il faut qu’à ce moment-là on ait une stratégie ciblée car les moments privilégiés pour intervenir : un logement pourra passer de passoir énergétique à logement performant au plan énergétique beaucoup plus facilement lorsqu’il est vidé par un vendeur et occupé ensuite par un nouvel acquérir. La mutation de logement est un moment clef sur lequel il faut travailler. Et je veux insister sur le sur-mesure qu’il faut faire, et l’outil dont nous a parlé notre représentant de la commission, dans mon souvenir est une usine à gaz qui n’est vraiment pas adaptée au sur-mesure. Ce n’est pas la façon pertinente d’avancée.  

Dans la région d’où je viens, la Corse, les autorités régionales se sont beaucoup penchées sur ces questions de rénovations des logements, d’intégrer la rénovation globale dans les politiques régionales. Ce n’est pas facile mais il y a un recul de plusieurs années et plusieurs centaines de logement qui nous permettent de savoir quelles ont été les difficultés concrètes et les performances réelles par rapport aux performances théoriques, quel a été le degré d’accompagnement. Il faut faire remonter ces expériences via le programme AURELI qui est de favoriser dans les espaces insulaires qui peuvent être un espace laboratoire parce qu’il y a des coups de l’énergie qui sont supérieures et chaque fois qu’on économise 1kWh dans un logement on a une incidence sur 20 ans en termes d’économies notamment pour la puissance publique qui subventionne largement la production d’électricité et d’énergie. Nous avons un effet retour : il faut pouvoir intégrer la proposition financière qui est faite au particulier que l’on veut encourager à faire la rénovation de son logement. Ces mécanismes complexes méritent d’être regardés de près et je suppose qu’il y a d’autres expériences en Corse qui ont pu être menées dans d’autres régions. Cette réunion que nous tenons aujourd’hui est la possibilité pour avoir un bon retour d’expérience avec tout ce qui a déjà été tenté car cette politique de rénovation d’énergie est la clef pour atteindre les objectifs de 55% et mettre l’Europe sur la trajectoire d’un réchauffement climatique limité, le plus limité possible, avec un effet d’entrainement, je l’espère, sur les autres pays associés sur les accords de Paris. 

 

Enfin, je souhaitais conclure sur un élément de difficulté puisque c’est le gisement énergétique principal : les passoires énergétiques, logement à très faibles performances, qui sont le plus souvent synonyme de précarité économique. Là où il y a le gisement maximum, il y a l’opérateur, l’acteur qui est le moins capable d’investir et de mener à bien une opération qui pourtant améliorerait son confort personnel et ses capacités économiques pour le futur. Mais comme il n’a pas devant lui les moyens d’avancer les travaux, c’est un problème sur lequel il faut se pencher sur le plan opérationnel. Car c’est très bien de donner des subventions mais si elles sont données une fois les travaux terminés et que pour faire des travaux il faut des dizaines de milliers d’euros, et que celui qui occupe une passoire énergétique, on est dans une impasse. Il faut trouver un moyen d’accompagner avec des outils économiques et bancaires efficaces, ce genre de travaux. En sachant que, très souvent, celui qui est précaire économique n’est pas éligible aux prélèvements très facilement. Il faut réfléchir à ces problématiques. Là où vivent les populations précaires est là où se trouvent les principaux gisements de politiques en termes d’économies d’énergie et il faut avoir des politiques accessibles au public concerné par ces problèmes de précarité économique. » 

 

Lien vers le replay du webinaire : https://www.youtube.com/watch?v=ex6iNE-4eng&t=5184s

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