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Mayotte : Pas de solution en vue

Les affres de la crise sociale, migratoire et sécuritaire de Mayotte sont la conséquence directe du choix absurde d’en avoir fait un département français au nom d’un colonialisme bien ancré dans les gênes de l’establishment français. A vrai dire, il n’y a pas de solution en vue à la crise politique qui s’annonce.

 

Les Comoriens sont un million et demi d’habitants répartis dans quatre îles principales. Trois d’entre elles font partie de l’Etat des Comores dont la capitale, Moroni, est sur l’île de la Grande Comore. Anjouan est l’autre grande île la plus peuplée, puis l’île de Mayotte un peu plus loin, à 70 kilomètres d’Anjouan, grosso modo la distance qui sépare la Corse de l’Italie.

C’est à Mayotte que l’administration coloniale française avait établi sa principale base du temps du protectorat établi au 19ème siècle, tissant des liens avec la population comorienne qui y vit, et lui donnant un sentiment de suprématie sur le reste de l’archipel. Quand la décolonisation s’est faite dans les années 75, le droit à l’autodétermination reconnu aux Comores a débouché sur l’indépendance de l’archipel. La capitale a été fixée sur la plus peuplée des Îles, la Grande Comore. Mais Mayotte a alors refusé à la fois de perdre l’appui financier de la France et d’accepter la domination démographique du reste du pays.

S’en est suivi un épisode institutionnel anarchique, la France refusant d’intégrer Mayotte au processus global d’indépendance des Comores malgré le droit international dont le gardien est l’ONU. D’ailleurs, pour l’ONU, Mayotte figure toujours dans la liste des « territoires à décoloniser » comme le Sahara Occidental par exemple. Il est frappant de constater que cette réalité institutionnelle n’est pour ainsi dire jamais mentionnée dans les articles de presse de l’Hexagone.

L’apparence démocratique de cette violation du droit international a été mise en œuvre par la tenue de referendums cantonnés à Mayotte -le seul referendum légal est celui qui englobe la totalité des Comores-, referendums qui ont été transformés en plébiscites pro-français par la classe politique de Mayotte qui a trouvé dans le statut de département français le graal de ses attentes, à la fois pour émarger aux privilèges des fonctions électives et pour refuser une gouvernance comorienne partagée avec les autres îles de l’archipel.

Pour faire mieux comprendre la situation créée, on peut faire une analogie-fiction avec une Corse qui aurait été déclarée indépendante à l’exception du Cap Corse resté département français. Vous imaginez bien que les capcorsins établis à Bastia n’auraient pas pour autant cessé d’aller et venir entre leur village et la ville ! Et réciproquement. Seule différence : une frontière terrestre, si elle est plus facile à franchir, autorise aussi de construire des murs pour empêcher tout va et vient. En mer, les va et vient sont plus compliqués, mais construire un mur est impossible ! Et les Comoriens, navigateurs expérimentés comme le sont tous les peuples insulaires, ont bien sûr continué comme avant à aller et venir, puis à émigrer pour essayer de profiter du ruissellement que les fonds français et européens assurent à Mayotte, notamment pour la santé, l’éducation, le travail. La richesse de Mayotte est à peine à un tiers du standard moyen européen, mais elle est huit fois le standard moyen comorien !

En trente ans, les comoriens originaires de Mayotte ont ainsi été rejoints par des vagues de « migrants » aussi comoriens qu’eux-mêmes, mais considérés comme « étrangers » par l’administration française. Imaginez qu’un Castellani de Bastia soit considéré du jour au lendemain comme un étranger à Siscu !

Les kwassa-kwassa, embarcations traditionnelles comoriennes, ont régulièrement assuré ces passages de migrants, petit à petit, jusqu’à doubler la population de l’île, les arrivants se fixant dans des bidonvilles foyers de misère et d’insécurité, que Gérald Darmanin veut désormais traiter au bulldozer. Le gouvernement des Comores, qui tient sa revanche face au mépris colonial français, refuse de les laisser rentrer au pays et use ainsi d’un nouveau rapport de forces pour relancer sa revendication pour que Mayotte revienne à l’Etat souverain des Comores. Les bidonvilles rasés feront alors place aux villages de tentes des réfugiés, et l’insécurité, la santé publique, la misère, rien ne sera résolu !

En fait la seule issue possible serait une négociation avec l’État comorien pour un transfert de souveraineté progressif et pacifique, garanti par un partenariat de long terme avec la France et l’Europe. Cela aura un coût, mais il est d’ores et déjà certain qu’il sera moins élevé que le maintien d’un statu quo qui ne peut conduire qu’au chaos. Malheureusement, il ne semble pas que l’on en prenne le chemin.

François ALFONSI

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