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Tribune parue dans Le Monde : la solidarité n’est pas un délit

Lien de la tribune : https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/20/migrants-a-la-frontiere-franco-italienne-la-solidarite-n-est-pas-un-delit_6077433_3232.html

Signée par : Benoît Biteau Caroline Roose Claude Gruffat Damien Carême David Cormand François Alfonsi Gwendoline Delbos-Corfield Karima Delli Marie Toussaint Michèle Rivasi Mounir Satouri Salima Yenbou Yannick Jadot

Alors que se tiendront, le 22 avril et le 27 mai à Gap et à Grenoble, les procès de plusieurs personnes solidaires de migrants, les élus écologistes Damien Carême et Guillaume Gontard ont lancé un appel pour demander au gouvernement français de cesser ses pratiques indignes.

Tribune parue dans Le Monde le mardi 20 avril 2021

L’hiver est officiellement fini. Pas celui qui s’abat sur les personnes exilé·e·s et les solidaires. Cet hiver-là est le plus rude de tous : indigne, violent, inhumain.

À Montgenèvre, village au-dessus de Briançon encore sous la neige, la situation ne cesse de se dégrader depuis des semaines.

À 1 800 mètres d’altitude, le gouvernement français militarise et montre les poings, pensant ainsi en mettre, des points, sur des « i » fantasmagoriques : il y aurait des migrant·e·s dangereux et dangereuses, il y aurait des solidaires complices, il y aurait un flot d’arrivées massives. Et la seule solution serait de rejeter, humilier, édifier des murs. 

C’est un mensonge. 

Les solidaires ne sont pas des coupables. Ils et elles ne sont pas des hors-la-loi.

La Cour de cassation l’a confirmé, le 31 mars dernier, en relaxant définitivement Cédric Herrou. 

La solidarité n’est pas un délit !

Pourtant, à Montgenèvre, le gouvernement choisit la répression. Et, chaque semaine, il surenchérit dans cette voie inhumaine. Il bafoue les droits français, européen et international et les droits des êtres humains, en toute impunité, tout en distillant sournoisement l’idée que la solidarité sert de planque à de sombres desseins.

C’est de la manipulation, abjecte et mortifère.

Les faits, graves, sont dénoncés depuis des semaines par une vingtaine de parlementaires qui se sont rendu·e·s, et continuent de se rendre, sur place pour les constater et témoigner : droit d’asile piétiné, assistance médicale empêchée, mise en danger d’autrui, séparation de famille, poursuites abusives de bénévoles, gardes à vue de journalistes, interpellations, amendes et interrogatoires abusifs, tentatives d’intimidations… Les atteintes portées aux droits sont récurrentes.

Cette situation honteuse dans les Hautes-Alpes se déroule à l’identique dans les Alpes-Maritimes, à la frontière entre Menton et Vintimille : la criminalisation des solidaires s’y exerce de la même manière, les personnes exilées y sont refoulées avec la même fermeté. Cette même situation qu’a vécue, avant, la vallée de la Roya ou que vivent, sur certains aspects, les Pyrénées à la frontière franco-espagnole.

Dans cette folie sécuritaire, l’Union européenne et le gouvernement déploient aux frontières intérieures et extérieures de l’UE des moyens financiers démesurés pour une politique qui, en plus d’être indigne et inhumaine, est inefficace. Aucun mur, rien ni personne, n’empêchera jamais un être humain de mettre un pied devant l’autre pour sauver sa vie. Cette folie est responsable de drames, de vies brisées au bout d’un parcours déjà jalonné de souffrances pour ces familles qui partent sur la route de l’exil avec des femmes enceintes, de jeunes enfants, des nourrissons, des personnes âgées. 

Le gouvernement français doit respecter le droit français, le droit européen, le droit international comme les droits d’asile et les droits humains. Les personnes exilées, les solidaires et les associations d’aide doivent être traité·e·s dignement. 

Les solidaires ne sont pas des délinquant·e·s.

Les exilé·e·s ne doivent être ni victime ni alibi de cette folie sécuritaire.

N’en déplaise au gouvernement, la solidarité est partout sur le territoire français. Les bénévoles qui tentent, malgré les intimidations qu’elles et ils subissent, de porter secours et assistance aux personnes en exil sont le visage de nos valeurs républicaines : la fraternité, la solidarité. Elles et ils n’ont pas renoncé à un État de droit capable d’accueillir et de protéger.

Elles et ils continuent d’agir, de jour comme de nuit, même quand l’hiver alpin sévit. Elles et ils agissent par humanité.

Pourtant, elles et ils risquent gros… Malgré la décision, le 06 juillet 2018, du Conseil constitutionnel reconnaissant la fraternité comme un principe à valeur constitutionnelle, la mettre concrètement en œuvre peut encore mener derrière les barreaux.

C’est ce que risquent plusieurs solidaires, ces prochaines semaines, au cours de deux procès qui s’annoncent : 

Le 22 avril, à Gap, à l’encontre de deux solidaires briançonnais, poursuivis pour « aide à l’entrée illégale et à la circulation sur le territoire national de personnes en situation irrégulière » pour avoir porté secours à une famille afghane sur le territoire français. 

Le 27 mai, à Grenoble, à l’encontre de sept solidaires briançonnais pour avoir participé, le 22 avril 2018, à une manifestation qui visait à dénoncer l’action de Génération identitaire présente la veille au Col de l’Échelle (Hautes-Alpes), ainsi que la militarisation de la frontière.

Ce qu’il se passe aujourd’hui à nos frontières est insupportable.

Les dénis de droits et les violences exercées ne peuvent être plus longtemps supportées.

Nous, signataires de cette tribune, demandons au gouvernement français de cesser ses pratiques indignes, illégales, illégitimes et dangereuses à la frontière. Nous lui demandons de respecter le droit national et international. Nous lui demandons d’en finir avec son récit mensonger. Nous, signataires de cette tribune, demandons au gouvernement français d’ouvrir les yeux sur la réalité d’un territoire où les initiatives solidaires sont bien réelles. 

Il en va de la dignité de notre pays. 

Après l’hiver, le printemps.

 

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