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Espagne : un labyrinthe électoral !

Comment trouver la sortie ? Telle est la question que se posent tous les analystes depuis que
sont tombés les résultats de l’élection législative du 23 juillet 2023 en Espagne. Au point que
le scrutin était à peine dépouillé que plusieurs annonçaient déjà de nouvelles élections.
Mais, au-delà de la complexité des rapports de forces et des combinaisons envisageables
pour gouverner le pays, ce scrutin a donné quelques orientations politiques tout à fait
nettes.

Le « format italien » d’un nouveau pouvoir « droite + extrême droite » appuyé sur une forte
progression des plus extrémistes était annoncé par les sondages. Il a été sèchement démenti
par les électeurs qui ont laissé cette coalition aux portes du pouvoir, bien loin de son
triomphe annoncé. Le plus intéressant est même que le « maillon faible » a été justement
l’extrême-droite qui était pourtant sortie en position de force du scrutin du 28 mai dernier,
s’imposant au pouvoir dans plusieurs régions et grandes villes du pays. A la surprise
générale, Vox a reculé en voix, et surtout en sièges (perte de 19 députés sur 52) : c’est la très
bonne nouvelle de ce scrutin ! Il permet à la démocratie européenne de respirer un peu, et
de contrarier la volonté de bien des dirigeants de la droite d’en faire le schéma politique
dominant au sein du futur Parlement Européen.

Le Partido Popular est sorti en tête mais c’est sans conviction que son leader a affirmé sa
volonté de former un gouvernement. Il avait l’intention de gouverner seul : c’est bien sûr
impossible. La coalition avec l’extrême droite est elle aussi insuffisante y compris avec
l’appui d’un ou deux élus indépendants. Pour la droite les portes du pouvoir semblent
fermées.

La gauche cumule moins d’élus que la droite (153 contre 171 quand la majorité absolue est à
176), mais l’important contingent des « élus des nationalités » -catalans, basques, galicien,
26 sièges au total- lui est bien plus compatible. Pour tous ces élus le Partido Popular, et a
fortiori Vox qui est l’émanation directe du franquisme, sont les ennemis de toujours.
Il y a quatre ans, en 2019, Pedro Sanchez avait eu besoin de cet appui pour gouverner. A
l’exception de Junts, le parti de Carles Puigdemont, il avait bénéficié de leur appui, direct ou
indirect.

En Galice, le BNG, fort de ses très bons résultats aux municipales le mois dernier, espérait
gagner des élus. Il garde son élu sortant, en étant victime sans doute du fait que deux des
principaux leaders (Alberto Feijoo pour la Partido Popular, Yolanda Diaz pour Sumar) étaient
eux-mêmes galiciens.

Au pays Basque, EH-Bildu confirme son succès aux élections locales et devance pour la
première fois la PNV, 6 élus contre 5, le total de 11 députés nationalistes basques étant
stable.

Aussi, si le nombre des élus nationalistes a beaucoup diminué, c’est principalement dû aux
résultats en Catalogne. ERC, même s’il fait encore le plus grand nombre de voix, est le grand
perdant, abandonnant six sièges sur treize. Junts avait eu 8 élus, dont une majorité (5 sur 8)
avait rejoint la scission du PdCat. Avec 7 élus désormais, le parti du Président Puigdemont
sort renforcé, mais il encaisse lui aussi un recul par rapport à 2019. Quant aux autres
formations, la CUP et PdCat, elles n’obtiennent plus aucun député. Au total le nationalisme
catalan dispose désormais de 14 députés quand ils étaient 23 dans la précédente
mandature.

Le gagnant de l’élection catalane est le Parti Socialiste de Pedro Sanchez, et Sumar, la
formation qui a supplanté Podemos, y fait aussi un de ses meilleurs scores. Quand le PSOE
perd 5 sièges dans le reste de l’Espagne, il en gagne 7 dans la seule Catalogne, tandis que ce
sont les composantes « autonomistes » de Sumar qui résistent le mieux, en Catalogne et aux
Baléares*. Manifestement une partie de l’électorat qui avait été gagné par les
indépendantistes catalans a cette fois soutenu la gauche pour conjurer l’arrivée de l’extrême
droite au pouvoir. Mais l’essentiel des voix manquantes sont en fait à rechercher dans
l’abstention, particulièrement forte en Catalogne, car l’électorat nationaliste a voulu
sanctionner les partis en place, particulièrement ERC qui était le plus associé au pouvoir
sortant alors que la « table de dialogue » ouverte par Pedro Sanchez est restée
désespérément improductive.

Cette situation spécifique en Catalogne va rendre les conditions d’un nouvel accord avec
Pedro Sanchez très difficiles. ERC ne peut ignorer le désaveu de nombreux électeurs, et Junts
a d’ores et déjà annoncé qu’il poursuivrait dans la même ligne vis-à-vis de la gauche
espagnole co-responsable de la politique anti-catalane de l’Etat espagnol.

Cependant, refaire un scrutin, et donner une seconde chance à l’extrême droite, serait
prendre un risque considérable, après l’Italie, après la Finlande, après la Suède, etc… Que
cette dynamique européenne de l’extrême-droite ait été cassée en Espagne à moins d’un an
des futures élections européennes est évidemment une bonne nouvelle pour l’Europe.
Pedro Sanchez devra donc passer par un « trou de souris » pour espérer rester au pouvoir.
Pour trouver le passage, il devra probablement ouvrir un nouveau dialogue avec le
mouvement catalan, en profitant de l’affaiblissement de Vox sur la scène politique
espagnole. Paradoxalement, le mouvement catalan pourrait alors se trouver en meilleure
situation bien qu’il ait perdu les élections.
François ALFONSI
*Le parti de l’ALE des Baléares, Mès per Majorca, allié à Sumar, fait son entrée au Parlement
espagnol.

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