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Scola Corsa : Strada Diritta !

C’est dans u Spaziu Carlu Rocchi de Biguglia que Scola Corsa a tenu son Assemblée Générale annuelle, et organisé un large débat sur « E virtù di u mudellu immersivu » qui a rassemblé Ghjuvan Petru Luciani de Scola Corsa, Alanu Di Meglio, tout jeune « professeur émérite » de langue corse à l’Università di Corsica, et Egoitz Urrutikoetxea, directeur pédagogique de Seaska au Pays Basque.

Puis la journée s’est terminée par un grand concert de soutien avec I Messageri, A Fiara Nova et I Chjami Aghjalesi qui a enchanté le nombreux public présent. Ghjiseppu Turchini, Gilles Simeoni, François Alfonsi, Michel Castellani et les représentants de Seaska, Egoitz Urrutigoetxea et Mirentxu Ibargaral, ont eux aussi pris la parole, cette dernière relatant devant le public la mission d’inspection qu’ils ont réalisé sur les quatre premiers sites ouverts par Scola Corsa, à Bastia-Toga, Biguglia, Sàrrula è Carcupinu et Corti.

Le modèle corse est bien en place désormais, les enseignants atteignent leurs objectifs pédagogiques qui, dans l’école maternelle, est d’obtenir que les enfants s’expriment spontanément en langue corse avec leurs maestre et leurs aiute materne, et aussi entre eux, y compris en dehors du cadre de la classe proprement dite (cantine, garderie, récréation, etc…). Ils sont aussi intervenus à Bastia où Scola Corsa a ouvert son premier cours préparatoire, l’objectif d’apprentissage de la lecture à travers la langue corse étant expérimenté pour la première fois dans l’île. Là encore la réussite est au rendez-vous.

Les deux responsables pédagogiques de Seaska (environ 300 enseignants sont placés sous leur responsabilité !) ont ainsi validé les méthodes et moyens mis en place en Corse, et, du fait de leur grande expérience, multiplié les conseils pour améliorer encore les résultats obtenus.

Quatre ans après le Congrès d’Eskolim à Biguglia, en mars 2021, qui s’était conclu dans la même salle par un échange avec les premiers parents et enseignants intéressés par une école associative immersive du même type, et prêts à s’engager en Corse aussi dans une démarche équivalente, Biguglia et Bastia ont ouvert leurs portes dès la rentrée 2021, et nos amis basques ont pu mesurer le chemin parcouru en trois ans à peine, la validité du travail effectué par ceux qui ont pris en charge Scola Corsa, avec une mention spéciale pour son Président Ghjiseppu Turchini et sa directrice Anna Catalina Santucci.

Quatre sites ont ouvert (un par an après l’ouverture inaugurale de Biguglia et Bastia), et, dans chaque site, les ouvertures de nouvelles classes s’opèrent au fur et à mesure que les enfants grandissent. Cette année encore, les inscriptions affluent, et Scola Corsa, après son lancement réussi (97 élèves en 2023-2024, 150 attendus à la rentrée prochaine), doit maintenant se déployer pour une phase de croissance intense. Objectif : rattraper les effectifs atteints au Pays Basque Nord, dont la population est comparable à celle de la Corse, en une décennie, tout en envisageant d’ouvrir le niveau collège dans quatre ans et le lycée avant dix ans.

Il y a actuellement au Pays basque environ 4500 élèves dans le réseau Seaska, environ 3.000 en maternelle et primaire, un millier dans cinq collèges désormais, et 500 dans le lycée de Baiona qui est également doté d’un internat. C’est dans ce « vivier » de locuteurs parfaitement bascophones que s’alimentent ensuite, à plus de 80%, les postes de formateurs demandés par l’Education Nationale ou par l’enseignement confessionnel pour leurs filières bilingues. Ce constat est éloquent qui exprime mieux que tout autre argument les limites des méthodes employées par l’Éducation Nationale qui ne permettent pas, chacun en convient désormais, d’assurer la transmission de la langue.

C’est ce constat qu’Alain di Meglio est venu partager avec Scola Corsa, et, sans rejeter les efforts faits depuis quarante ans par les enseignants de l’Education Nationale, il faut bien admettre qu’une rupture pédagogique est indispensable si l’on veut atteindre l’objectif de sauvegarde de la langue corse.

Cette rupture pédagogique, portée par Scola Corsa, Ghjuvan Petru Luciani l’a fait comprendre de façon concrète. Sur les 365×24 heures = 8760 heures d’une année, le temps d’éveil de l’enfant est estimé à 3.600 heures durant lesquels son cerveau s’imprègne de son environnement, à commencer par l’expression et la compréhension orales. Ce temps est passé soit en famille, soit dans la rue, soit devant les écrans, … soit à l’école, bien sûr en dehors des week-ends et des vacances.

Si l’école propose 3 heures par semaine de langue corse, le temps d’exposition de l’enfant à cette langue sera, sur une année pleine, de 108 heures, soit à peine 3%. Manifestement pas assez ! Quand il suit un « enseignement bilingue à parité », que l’Éducation Nationale a longtemps présenté comme l’optimum de ses possibilités, soit 12 heures par semaine hors vacances scolaires, l’exposition à la langue de l’enfant est alors de 432 heures, soit 12% de son temps passé en situation d’éveil. L’expérience a montré que c’était tout à fait insuffisant.

Nouvelle proposition de l’Éducation Nationale, limitée pour l’instant à une poignée d’écoles maternelles, celle d’une école dite immersive publique, où la « parité horaire » est portée à 70% du temps scolaire. Dans ce modèle, le temps d’exposition de l’enfant à la langue passe à 604 heures, soit 16% du temps d’éveil de l’enfant. Les retours d’expérience sont en cours, mais l’enseignement immersif réel, tel qu’il est pratiqué à Scola Corsa, fait beaucoup mieux.

En effet, dans le modèle de Scola Corsa, la langue corse est présente durant 100 % du temps scolaire (864 heures), auxquels s’ajoute le temps périscolaire autour des heures de classe (cantine, récréation, garderie, etc..) soit 576 heures supplémentaires. Au total, un élève « Scola Corsa » est exposé 1.340 heures à la langue corse, soit 40% de son temps d’éveil, 2,5 fois plus que dans « l’immersif » public, 5 fois plus que dans le modèle bilingue à parité horaire de l’Éducation Nationale. A ce niveau, on est assuré que la compétence en langue corse de l’enfant sera naturelle et courante.

C’est ce que Egoitz Urrutikoetxea est venu confirmer avec l’expérience de plusieurs décennies de Seaska au Pays Basque, tout en soulignant la difficulté supplémentaire qui est le très grand éloignement entre le basque et l’espagnol ou le français, qui rend les deux environnements linguistiques tout à fait étanches, alors que français et corse sont deux langues latines. Une statistique montre que la maîtrise de la langue basque a, grâce à Seaska, repris une courbe ascendante chez les 20-30 ans au Pays Basque Nord, alors que la chute vers la disparition semblait inéluctable. Le même phénomène est observé au Pays Basque Sud où les familles plébiscitent à 86% l’enseignement immersif en langue basque.

Cependant, au nord comme au sud, le recul sociétal de la langue continue au profit de l’espagnol comme du français. Dans le cursus scolaire immersif, ce phénomène est marqué parmi les enfants du collège car l’adolescence est l’âge où l’on s’affirme en opposition avec le cadre éducatif. Il reste donc un champ immense encore à investir, celui de la vie récréative où les productions basques sont incomparablement moins présentes que celles des langues dominantes. Au nord comme au sud c’est une priorité politique désormais.

Ainsi, l’école ne peut pas tout. Mais sans elle, rien n’est possible.

François ALFONSI

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