Liens

Suivez-moi !

Derniers articles

Fernand de Varennes : « La langue, c’est aussi une question de droits humains, de droits de l’Homme »

Fernand de Varennes est le rapporteur spécial de l’ONU sur la question des minorités. Un expert indépendant auprès des Nations Unies est nommé pour une durée de six années afin de veiller au respect des lois internationales dans les États qui forment l’Organisation des Nations Unies.

Ces experts internationaux sont choisis par un appel à candidatures et ils doivent faire la preuve d’un parcours universitaire, scientifique et juridique de premier plan pour espérer que leur candidature soit retenue. Puis, durant six ans, l’expert nommé mène ses missions, sous mandat de l’ONU, avec une réelle indépendance.

Cette indépendance, Monsieur de Varennes l’a démontrée en acceptant l’invitation de l’Assemblée de Corse pour un débat sur la situation de la langue corse après l’arrêt du Tribunal Administratif qui a décidé, le 09 mars dernier, d’annuler les règlements intérieurs de l’Assemblée et du Conseil Exécutif parce qu’ils stipulaient que les langues du débat étaient à la fois le corse et le français. Cette disposition a été jugée contraire à l’article deux de la constitution qui énonce que le français est la langue de la République française.

La raison d’être d’une organisation internationale comme l’ONU est de conclure des traités auquel les pays membres adhèrent, et de vérifier ensuite qu’ils s’y conforment effectivement. Le rôle des experts internationaux nommés par l’ONU est de recevoir les saisines des autorités ou même des citoyens qui s’estiment niés dans leurs droits, et de produire un avis qui est soumis à la commission des droits de l’Homme de l’ONU.

Par exemple le Pacte international des droits civils et politiques, que la France a ratifié, proscrit toute discrimination en raison de la religion, de l’ethnie, de la race ou de la langue.

Aussi, pour Monsieur de Varennes, « cette décision (du tribunal) est une interprétation qui va très loin et qui peut être discriminatoire en termes d’obligations internationales. Exclure la langue corse semble déraisonnable et discriminatoire ».

Cette discrimination est avérée dans l’absolu : « Le corse est la langue de la Corse, elle devrait non seulement être reconnue, mais utilisée. J’ai exprimé de fortes inquiétudes sur la direction que semble prendre cette interprétation de la Constitution. Il n’y a vraiment aucun pays qui va aussi loin, et qui trouve normal d’interdire d’autres langues et d’exiger l’usage exclusif d’une seule langue. Ce n’est pas normal ! Ce n’est pas la pratique d’autres pays ! On utilise toujours d’autres langues dans différents contextes. »

Et la discrimination est aussi manifeste par comparaison avec l’anglais qui ne fait pas l’objet de la même rigueur : « Des programmes d’études dans des universités publiques sont offerts exclusivement en anglais, des diplômes sont décernés en anglais, donc je ne vois pas pourquoi l’anglais ne pose pas problème et que le corse est interdit ! »

Au-delà du respect des droits, la décision du tribunal administratif, inspirée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, pose des problèmes inédits : « dans plusieurs pays, il y a quelquefois des questions linguistiques qui posent problème. C’est plutôt quand même exceptionnel la décision récente du tribunal administratif qui semble imposer l’usage exclusif du français dans les instances publiques. Cela va très loin ! Je ne peux pas identifier un autre pays où on a appliqué ce genre de raisonnement. Partout où il y a une langue, même s’il y a une seule langue officielle, une seule langue nationale, on permet toujours l’utilisation d’autres langues pour certaines fonctions publiques. »

Gilles Simeoni a alors rappelé la censure préfectorale d’un recrutement effectué par la Collectivité pour travailler dans une crèche bilingue qui avait été censuré par la Préfecture car il était demandé aux candidats une bonne maîtrise de la langue corse. Et tout cela parce que la Préfecture avait jugé cette disposition discriminatoire ! Alors que, régulièrement, des offres d’emploi paraissent qui exigent la connaissance de l’anglais ou d’une autre langue étrangère. En quelque sorte on atteint en Corse le comble de l’absurde, ce que le regard éclairé du rapporteur spécial de l’ONU a permis de mettre en lumière de façon irréfutable.

Dans les prochains jours, il sera saisi officiellement par les autorités de la Corse. La procédure suivra alors son cours. Pour Fernand de Varennes, « il faut interpréter la Constitution de manière conforme aux obligations internationales de la France ; le moment est propice ».

François ALFONSI

 

 

 

 

    Laissez votre commentaire

    Votre adresse email ne sera pas publiée.*