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Irlande du Nord : 25 ans après l’accord de paix du vendredi saint

Cet anniversaire a pris une dimension renforcée en raison du Brexit et des difficultés rencontrées pour préserver le « protocole Nord Irlandais » prévu dans les accords de retrait passés entre le Royaume Uni, dont fait partie l’Irlande du Nord, et l’Union Européenne, dont continue de faire partie la République d’Irlande. Ces accords ont été signés par le gouvernement de Boris Johnson en octobre 2019, mais ce même Boris Johnson refusait de les appliquer, notamment dans leur volet nord-irlandais.

Les tensions ont été vives entre Londres et Bruxelles qui a pesé de tout son poids pour que les citoyens européens d’Irlande soient garantis d’une solide protection dans leurs droits, notamment le Good Friday Agreement, accord du Vendredi Saint, traité international signé à Pâques 1998 entre les partis nord-irlandais, loyalistes et républicains, le premier ministre britannique (à l’époque Tony Blair), le chef du gouvernement irlandais (Bertie Ahern) et le Président des USA (à l’époque Bill Clinton). Le « protocole nord-irlandais » a pour vocation de faire respecter ces accords du vendredi saint en refusant de matérialiser une frontière terrestre partageant à nouveau l’Irlande en deux, ce qui risquerait de relancer une guerre civile en Ulster.

Poussé par la partie loyaliste des habitants d’Ulster, Boris Johnson a imaginé pouvoir ignorer ses engagements, ce qui a ouvert une forte crise entre le Royaume Uni et l’Union Européenne. Depuis Boris Johnson a démissionné du 10, Downing Street, Liz Truss lui a succédé brièvement, et l’actuel premier ministre Rishi Sunak a été investi.

Contrairement à ses deux prédécesseurs, le nouveau premier ministre britannique a recherché le dialogue, et un accord a été trouvé pour appliquer ce fameux « protocole nord-irlandais », malgré l’avis contraire de la représentation officielle de la communauté protestante loyaliste d’Irlande du Nord toujours obnubilée par la crainte d’être coupée matériellement et politiquement du continent britannique. Celle-ci maintient cependant la pression en refusant de laisser se former le gouvernement de l’Irlande du Nord, dont la composition est fixée, selon le Good Friday Agreement, par entente entre les deux communautés. Les députés loyalistes élus à Westminster ont dénoncé la reculade de M. Rishi Sunak, et ils ont continué à s’opposer à l’application du protocole.

Dans ce contexte tendu, la commémoration du vingt-cinquième anniversaire du Good Friday Agreement a fait l’objet d’une mobilisation intense. Dans sa récente session du 30 mars 2023, le Parlement Européen, en présence d’Ursula von der Leyen, a rendu un vibrant hommage aux acteurs de la négociation de 1998, particulièrement John Hume, longtemps député européen, qui avait reçu le prix Nobel de la Paix pour le rôle déterminant qu’il avait joué dans ce processus. Joe Biden, accompagné de Bill Clinton, a programmé de faire durant Pâques un voyage officiel en Irlande, à Belfast puis à Dublin, pour faire pression lui aussi sur Londres et sur les alliés unionistes de la majorité conservatrice au pouvoir.

Mais plus que les pressions politiques, aussi importantes soient-elles, c’est la réalité du terrain qui finira par ramener à la raison les plus farouches opposants. En effet, par l’application du protocole nord-irlandais, l’Irlande du Nord bénéficie désormais d’une ouverture totale sur les deux marchés, européen et britannique. Ce sera le seul territoire au monde à bénéficier de ce privilège dont l’effet le plus probable sera d’attirer à Belfast des entreprises, américaines entre autres, qui voudront bénéficier de ce double accès aux marchés européens.

Les forces économiques de l’Irlande du Nord, majoritairement issues de la partie unioniste de la population, sont forcément sensibles à cet argument majeur que le nouveau premier ministre britannique Rishi Sunak martèle pour justifier sa position en rupture avec celle de Boris Johnson. Cela n’a pas suffi à faire fléchir les dirigeants politiques protestants. Mais des élections sont programmées ces prochaines semaines en Irlande du Nord, car l’actuel Parlement, dont l’élection avait déjà donné des signes d’une évolution des mentalités en accordant pour la première fois depuis 1998 le leadership aux républicains du Sinn Fein, n’a pu mettre en place son gouvernement du fait des blocages de la partie loyaliste. Si celle-ci recule à nouveau dans les urnes, la situation pourrait alors se débloquer.

Quoi qu’il en soit, d’un point de vue historique, l’Irlande du Nord est entrée dans une nouvelle ère. La réunification de l’Irlande n’est plus un rêve désormais, même si elle n’est pas encore pour demain.

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